"Je me souviens", nous dit Roland Monnier * , "lorsque j’étais chez Emile Bilhau nous avion un simbèu qui s’appelait Bigorneau, et il me rappelle une anecdote qui se passait dans les arènes de Nîmes.

D’habitude dans les courses de nuit, nous nous servions de Bigorneau pour le sortir premier et ensuite il faisait le simbèu pour les autres dans ce cas où ces derniers...
Or, dès qu’il se retrouvait seul en piste, il ne faisait que courir cherchant sans cesse un endroit pour rentrer, comme c’était en fait son travail.

Ce soir-là à Nîmes, il ne dérogea pas à ses habitudes.
Il fit un premier tour de piste, puis deux et ayant remarqué une chicane sous la présidence, à son troisième passage, il franchit d’un coup les barrières, se faufila dans l’ouverture en question et disparut dans le noir des gradins.
Et puis tout d’un coup, on le vit déboucher aux secondes où il créa une panique indescriptible. Les spectateurs se précipitaient vers les sorties, c’était l’affolement et forcément l’obstruction des portes par lesquelles tout le monde voulait sortir en même temps.

A l’arrière de cette masse humaine, il y avait une grosse dame verte de peur, qui poussait de toutes ses forces, sentant dans son dos le souffle du taureau.
Car en effet, Bigorneau était là, attendant bien sagement son tour pour sortir de ces gradins où il était venu malencontreusement aboutir.

Il attendit d’ailleurs patiemment, sans saute d’humeur belliqueuse qui lui aurait fait jouer des cornes, que la sortie soit évacuée.
Alors, tranquillement, il continua son périple et dès qu’il déboucha au passage suivant voyant que celui-ci n’aboutissait pas au toril, il comprit qu’il s’était trompé et rebroussa chemin. En reprenant le même itinéraire à l’envers il retrouva la piste où il fit son entrée par le portail que l’on avait ouvert entre-temps.

C’était là un exemple flagrant d’un simbèu intelligent, qui savait que lorsqu’il était en piste ce n’était pas pour faire sa course, mais seulement pour aller chercher un congénère et rentrer aussitôt au toril.

Des anecdotes de simbèu, cela est très courant dans toutes les manades et elles mettent chaque fois en valeur l’intelligence de ces taureaux.
Une intelligence innée certes, mais aussi souvent forgée sur le tas face aux difficultés et aléas de leur profession.

Mais, parfois l’intelligence est synonyme de ruse et l’on retrouve souvent ces deux tempéraments chez le simbèu.