" J’arrive au Grau du Roi, c’était de bonne heure, heureusement d’ailleurs pour moi que c’était de bonne heure et qu’il n’y avait pas foule.

C’était onze heures et quart environ et j’étais le premier à débarquer.
Je me place, je prépare mon simbèu, et là, j’ai un « trou » , car avec ce qui s’est passé, je suis incapable de vous dire aujourd’hui si j’ai lâché le simbèu ou Castor en premier, ou si j’avais déjà débarqué les deux autres.

Mais je sais qu’avant de débarquer j’étais allé voir si tout était bien fermé, car j’étais tout seul.
Par contre, je me souviens très bien quand j’ai lâché le simbèu et Castor, ils ont foncé au fond du couloir et là, les taureaux doivent faire demi-tour pour venir prendre leur case respective qu’on leur a préparée.
Mais au fond de ce couloir il y a la porte qui donne sur la piste et celle-ci est à coulisse.

Cette porte j’avais bien vu qu’elle était fermée, mais j’ignorais que côté piste, elle n’était pas verrouillée comme elle aurait dû l’être et avec un cadenas pour plus de sécurité.

Donc, au moment où les taureaux ont fait demi-tour pour revenir aux cases, Castor en se tournant semble-t-il, a entraîné la porte avec son cul, et l’a ouverte.
Pas de beaucoup, mais assez pour qu’il passe.
Faro voyant le jour, croit que c’est l’itinéraire à suivre, s’engage et atterrit dans la contre piste.
Castor voyant le simbèu sortir l’a suivi. Et moi sur le camion j’ai entendu le son de la cloche s’éloigner, au lieu de revenir sur les cases.
Je saute dans le toril et je vois les taureaux dehors qui longeaient les barrières. Ils sont arrivés à la porte de la bandido qui était grande ouverte en attendant l’abrivado de midi, ils ont emprunté le passage et se sont retrouvés à l’extérieur des arènes.

Suivant le parcours de la bandido, ils se sont arrêtés sur le parking tout proche.
J’étais affolé, je n’ai pas voulu leur courir derrière pour ne pas les effrayer ce qui les auraient fait partir plus vite. Alors j’ai couru en faisant le tour par les guichets, le bord du canal, afin de les prendre à revers.
En arrivant sur le parking je vois mes deux taureaux au milieu, se demandant ce qu’ils faisaient là. Heureusement, je le répète, que c’était de bonne heure et qu’il n’y avait personne.
Alors, avec d’infinies précautions, je me place du mieux que je peux pour leur faire reprendre le chemin inverse.

Tu sais là, si tu fais une mauvaise manœuvre et que tu les effrayes, tu les envoies à la mer.
Alors, tout doucement je me suis avancé en parlant au simbèu : "Faro, Faro, Faro" , il m’a regardé mais lui a fallu un moment pour qu’il me reconnaisse et réalise, j’ai continué d’avancer toujours sans le brusquer et en lui parlant et comme il n’avait pas d’autre chemin que celui par où il était venu, ou celui où j’étais, il a fait demi-tour suivi par Castor, et ils se sont à nouveau retrouvé à l’intérieur des arènes.

On a vite fermé les portes et je me suis affalé sur le marchepied du camion complètement vidé, tellement j’ai eu peur et je me suis mis à pleurer.
Après m’être un peu repris, je suis rentré en piste, j’ai alors commandé Faro et j’ai rentré les taureaux au toril.

Heureusement que j’ai eu Faro comme simbèu ! Il n’est pas très bon pour la piste, mais il est extraordinaire pour le pays et pour mener les taureaux.
Si j’en avais eu un autre que lui, je ne sais pas si l’on s’en serait sorti aussi bien.

Dans ces deux anecdotes, on peut se poser la question de savoir qui en a été le vrai héros : le simbèu ou le gardian ?

Personnellement je pense que ces deux aventures illustrent bien ce que nous avons essayé de faire comprendre que l’un ne va pas sans l’autre et que leur complicité forme un tout.