X- ROSSIGNOL

Comme le simbèu « Le Rossignol  » un superbe Camargue pur, terriblement encorné, qui lorsqu’il était plus jeune, portait 500 fr de cocarde, faisait le feignant et restait avec le taureau qu’il était venu chercher, au milieu du rond, Peu-se avec un camarade prirent leur trident et allèrent caler bien devant la bête afin de « l’attendre au fer »mais le « monsieur » savait que les tridents piquent et, tournant prestement le cul, il alla se tanquer de l’autre côté de la piste, sans vouloir pour autant s’enfermer.

Trois fois les deux gardians, pointe contre pointe, l’appelèrent, mais dites-lui de venir, d’aucun côté il ne voulait y goûter, et trouvant que l’air était bon, il ne voulait pas non plus se diriger vers l’étable.

Peu-se, tout a coup, fut pris de colère, et laissant son compagnon s’avança vers le taureau et, prompt comme l’éclair, il l’attaque à grands coups de trident.
Ah ! malheureux qu’a-t-il fait !
L’autre, en se sentant piqué, tient tête, le trident vole en éclats et mon pauvre Peu-se, sans pouvoir faire ni aïe, ni ouïe, est hissé sur les cornes de la bête qui le lance en l’air, comme une pomme et le relève quatre ou cinq fois.

Quand on le releva « peuchère », tout le monde le croyait mort, car ni il ne parlait, ni ne bougeait, « Le Rossignol  » figurez-vous, lui avait fait de la cheville à l’épaule, tout au long du corps, une plaie béante de trois centimètres de profondeur, ce qui est terrible, car il est connu que la corne brûle et creuse les chairs pendant neuf jours.

A tout prendre, nous espérons que tout ceci ne sera que du mal, mais c’est certain ce sera long.
De l’hôpital de Beaucaire, où il est resté quelques jours, on a transporté le pauvre blessé en Arles.

Cela prouve que les gardians provençaux, bien qu’ils ne soient pas vêtus d’or et de soie, ont bien beau courage, et prouve également camarade comme me disait l’autre jour un manadier, que les simbèu, tout simbèu qu’ils sont ont des cornes comme les autres

Signé : OURRIAS