Une manade qui s’était surtout spécialisée dans les abrivado et bandido, mais aussi dans les courses et animations des fêtes de village. Pendant les animations estivales qui débutent vers fin juillet ne s’achèvent que fin septembre, le bétail destiné à ces réjouissances est soumis à rude épreuve et surtout fort sollicité pour ces courses de plans, où le bitume a remplacé le terre battue d’antan et où de ce fait, la « casse » est souvent inévitable.
Si ces vaches et taureaux courent très souvent, il en est un qui lui, tous les jours est du voyage, c’est le simbèu.

Or, il y avait en ces temps-là à la manade Zucarrelli, un simbèu du nom de Braconnier.

Un simbèu intelligent, docile, faisant bien son travail, et ce depuis de nombreuses années, puisque n’étant plus très jeune au moment où je l’ai connu.
Les sorties répétées, les plans goudronnés, les coups de fer ou autres petites misères infligées par une jeunesse en liesse, ont fini par lasser ce dévoué serviteur, au point de le dégoûter à jamais de ce rôle qui lui était dévolu.
Son instinct et son intelligence.
Ont fait appel à la ruse pour couper court à ses corvées.

C’est ainsi que lorsque arrivaient les fêtes de villages, et que les sorties se rapprochaient, il avait le don de prévoir qu’il allait faire partie du voyage, et, avant que le jour ne se lève, il allait se cacher au fin fond des marais où on ne pouvait le dénicher.
Il était devenu malin et rusé comme un sioux.

Quand il entendait venir les cavaliers à sa recherche, il se tapissait au sol au milieu des roseaux, sans bouger, et bien souvent les cavaliers sont passés à moins d’un mètre de lui sans le voir.
Cette ruse a réussi bien des fois, et il fallait que le hasard conduise un cavalier sur lui pour le débusquer. Il a ainsi pris, par sa ruse et son intelligence quelques jour de repos bien gagnés.

Mais Braconnier  : Braco comme on le surnommait plus commodément, n’était pas seulement un tire-au-flanc comme on pourrait le croire par ces quelques lignes.
C’était aussi un simbèu qui rendait de très grands services, suppléant fort bien dans certains cas l’impuissance des hommes.

Aimé Fabre alors gardian à la manade se souvient :
« Un matin, nous devions trier les deux cocardiers Peu blanc et l’Espagnol et je savais qu’ils étaient cachés dans le marais de St Cézaire.
Peu blanc avait aussi la particularité de se cacher dès qu’il entendait venir les cavaliers et dans ce marais, autant chercher une aiguille dans une meule de foin. Or, ce matin-là, nous étions que deux sur la manade.
Je triai alors Braconnier  [2] qui obéissait très bien à la voix et nous le poussâmes dans les roseaux.
Il s’enfonça à l’intérieur et nous, nous le suivîmes...
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il nous conduisit à l’endroit où se terraient les deux cocardiers »

[1près de Lunel

[2Braconnier qui n’était pas concerné par le voyage