Le manadier Marcel Mailhan le lui a offert, afin qu’il soit élevé au biberon.
C’est ce que nous avons fait.
Ces taureaux-là sont d’excellent simbèu de pays, mais ils ne sont en général pas très bons pour la piste car domestiqués, ils vont se faire caresser par le public des barrières, au lieu de faire leur travail.

D’ailleurs à mon avis, ce ne sont pas des taureaux a montrer dans de telles conditions, car c’est donner une mauvaise image du taureau Camargue.

Très jeune, Allah a montré de très bonnes dispositions, pour garder la manade.
Mais avec les anoubles (voir le Vade Mecum) de la manade Laurent, il interdisait à quiconque de s’approcher des petits veaux et en particulier aux adultes.
Il tolérait seulement mes enfants.

Un jour que mon épouse était allée ramasser de la salade dans l’enclos des veaux, Allah la chargea et la bouscula sans mal heureusement, et tout cela parce que qu’elle s’était un peu trop approchée du jeune troupeau.

Quelques jours plus tard, il m’arriva un peu la même mésaventure.
Je m’étais approché de la manade et aussitôt Allah s’interposa entre elle et moi, essayant de m’intimider en bramant et en faisant le beau.
Puis tout a coup, il vint sur moi comme pour me charger, mais comme je le connaissais, je ne bougeai pas et lui donnai une tape avec la main.
Il se détourna alors, vexé par ce geste qu’il n’avait pas apprécié et parut bouder.

Quand on dit qu’il faut qu’un simbèu est intelligent je crois qu’Allah était un taureau super intelligent et la preuve en est cette anecdote :

— Mr Laurent avait acheté un lot de six toros de combat portugais pour une corrida et il les avait parqués aux Marquises dans un clos à part.
Un jour il fallut les rentrer ; mais n’ayant pas de cabestro,( voir le Vade Mecum) nous avons mis dans le clos deux de nos simbèu : Croquant et Allah.

Pour sortir de ce pré, les bêtes devaient passer sur un pont fait avec des traverses de chemin de fer qui enjambait une roubine.
C’est là que l’affaire se corse.
Si les simbèu passèrent pour montrer le chemin, par contre les toros portugais refusèrent de passer le pont. Voyant cela ; nous nous sommes éloignés et nous avons laissé les simbèu seuls avec les toros et là, nous avons vu une chose incroyable.

Croquant qui n’avait rien compris, dès le pont franchi, s’en est allé directement au mas.
Par contre Allah s’arrêta tout de suite après le pont et se mit à brouter l’herbe. Au bout d’un certain temps, un toro se hasarda avec d’infinies précautions et franchit à son tour le pont, pour venir retrouver Allah.

Ce dernier alors repassa le pont tout en broutant pour aller en direction du reste du troupeau, et à renouveau franchit le pont avec un toro à sa suite.
Il fit se manège plusieurs fois jusqu’à ce que, enfin rassurés, tous les toros passèrent de l’autre coté de la roubine et sortent de ce fameux clos. Dès lors il nous fut aisé de les pousser en direction du mas pour les embarquer.

Une autre preuve de l’intelligence d’un simbèu avec cette fois, Prince et Allah et leur façon de faire.

« Chez Laurent, quand on triait des taureaux jeunes, on les parquait dans la cour entre les deux bergeries.
Terriblement fougueux, ces derniers s’énervaient facilement de se voir enfermés dans cet enclos et lorsqu’il fallait les embarquer dans le char, c’était une horde sauvage qui déferlait à l’intérieur du véhicule.

Bien sûr, comme pour toute manipulation de manade, nous avion un simbèu pour montrer le chemin et entraîner ces fougueux animaux.
Quand c’était Prince qui était de service, il montait rapidement, fonçait au fond du char et là tout aussi rapidement, il se gîtait à plat ventre au sol comme les lapins, laissant passer la furia et évitant ainsi l’écrasement contre la paroi du fond et évitant ainsi les coups de cornes de ces excités.

Par contre si c’était Allah qui assurait son rôle de simbèu, dès rentré dans le char, il se plaquait contre la paroi de droite, et tout en reculant laissait le passage et le champ libre au raz de marée.
Alors, très vite, et avant que nous ayons eu le temps de refermer les portes il se retournait et sortait du camion.

C’était voyez-vous deux façons de faire différentes pour éviter de prendre des coups.
Mais ce qui est extraordinaire, c’est que ces façons d’opérer ne leur avaient pas été apprises et c’est eux seuls qui en avaient eu l’initiative et la mise en pratique, et ce, par l’expérience acquise au fils des ans »