"Le cocardier vient de terminer sa course, mais il tarde à quitter ceux qui l’ont ovationné...
Peut-être un reste d’ardeur à combattre ?
Tout simplement préfère-t-il profiter quelques instants encore de cette semi-liberté plutôt que de retrouver le noir de sa cage.

Le fait est qu’il refuse de quitter la piste.

Mais le spectacle doit continuer et on que doit-on faire de ces empêcheurs de tourner en rond. La porte du toril restée ouverte laisse entendre tout à coup un son familier « ding-dong ding-dong » et voilà qu’ apparaît « le taureau à la cloche » qui vient chercher le récalcitrant.

Des rires et des quolibets fusent des gradins. Ce sont des néophytes, des enfants, des touristes.

En grande partie pour eux, mais aussi pour les aficionados, nous allons vous entretenir, et peut-être vous faire connaitre cet illustre méconnu, qui fait parfois rire les spectateurs, qui n’était pas fait pour être un cocardier, mais qui est, de par ses aptitudes un élément indispensable à l’élevage : en Languedoc le SIMBEU » en Provence le DOUNTAIRE

Appelé dountaire, charrin, simbel, ou simbèu selon les coins de notre région tauromachique, il a toujours été bien présent dans les manades où il occupe une place prépondérante et privilégiée .

Certains sont posés, serviteurs fidèles mais anonymes sans laisser de souvenirs exaltants gravés dans les mémoires, si ce n’est celui de braves et bons collaborateurs qui faisaient bien leur métier.
Mais il n’en est pas de même pour d’autres qui par contre, ont marqué leur passage au sein de l’élevage tout autant que les bons cocardiers.
C’est un peu l’histoire de ces obscurs laborieux que nous allons essayer de vous faire partager, en vous rapportant quelques récits et anecdotes puisés sur le vif.

Avec le simbèu, nous allons vivre une aventure et des faits extraordinaires, nous dirions même incroyables, tant ils sont originaux et pourtant vécus par ceux-là même qui vont les raconter ; manadiers ou gardians. Car le simbéu est un peu, sinon beaucoup, le chien de berger, le garde-chiourme, le guide, mais surtout l’ami dont le gardian a grandement besoin.
D’ailleurs on ne s’en prive pas, dans tous les cas où l’homme, seul, ne peut résoudre un problème posé pour les autres pensionnaires de l’élevage.

Ces problèmes, quels sont-ils ?
Et puis comment le simbèu a-t-il été choisi pour assurer ce rôle ?

Autant de questions que nous sommes allés chercher et poser au sein de quelques manades, où les intéresses fort gentiment, ont bien voulu revivre avec nous, les aventures de ces taureaux trop méconnus.

Des aventures qui ressemblent souvent plus à des contes qu’à la réalité dont elles sont extraites. "

Avec quelques témoignages de gens du métier, différents parfois mais toujours intéressants, nous verrons l’utilité, le choix et la formation du simbèu.

« Dans le temps », nous dit jacques Espelly « il y avait moins de taureaux dans les manades, aussi les vieux gardians que j’ai connu disaient « celui-là c’est un âne en piste, il ne veut rien savoir, on va y flanquer quelques roustes, et on en fera un simbèu.
Ils se battaient toute leur vie avec ce taureau et malgré ça, ils avaient toujours des problèmes avec lui »

C’était l’époque où systématiquement, ou presque, on formait un simbèu en l’attendant au fer et où son dressage se faisait par la force, sans tenir trop compte de ses aptitudes pour cet emploi

« Aujourd’hui, poursuit Jacques Espelly, « la vie et le caractère des taureaux ont évolué, et on ne peut guère se permettre de flanquer des roustes à un taureau.
Aussi, lorsque nous voyons dans la manade un taureau susceptible de par son intelligence de faire un simbèu, par un demi dressage, nous lui faisons sans cesse répéter les mêmes choses pour qu’il les apprenne bien et nous le corrigeons un peu chaque fois qu’il fait une faute.
Nous lui montrons ainsi, que c’est nous qui commandons et qu’il doit obéir à nos ordres.

En fait, de nos jours, on impose plus un rôle au simbèu et on le choisit pour ses dispositions naturelles à assumer cette fonction.
Mais, pour ne pas n’avoir pas à se bagarrer toute l’année avec des taureaux, il faut tout de même savoir se bagarrer de temps en temps avec un simbèu pour parfaire son dressage.
Beaucoup de choses s’inculquent tout de même à cet animal par la force »

Combien de fois avons-nous vu chers amis aficionados, un simbèu sortir comme une furie du toril et se mettre à poursuivre les raseteurs, alors que le cocardier qu’il était venu chercher, avait déjà réintégré le toril. Lui, pendant ce temps, prenant quelques libertés tardait à rentrer à son tour, ce qui faisait dire a certains « Té vé ! celui- là il veut faire sa course »

Et bien oui, pourquoi pas, après tout le simbèu est un taureau comme les autres, et s’il n’a pas eu la chance d’avoir les capacités et les qualités de faire un bon cocardier, ce n’est pas interdit de faire semblant de temps en temps.
Et puis on peut bien quand l’occasion se présente s’amuser un peu non !
Se dégourdir les pattes, car rester immobile et attaché dans une case du toril, attendant l’hypothétique refus de réintégrer d’un congénère ce n’est guère amusant.

Ramener un cocardier au toril, ce n’est pas le seul travail que l’on demande a un simbèu.

Ce n’est qu’une des attributions qui lui sont réservées et le travail en manade, sur le pays, où il occupe une place prépondérante et primordiale, fait aussi partie de son travail comme on a pu le voir précédemment.
D’ailleurs tous les professionnels sont unanimes pour dire qu’il y a le simbèu de piste et le simbèu de pays.

On fait souvent faire les deux travaux au même élément, et il se montre alors plus apte dans l’une ou l’autre de ses assignations.
Toutefois, il y a des individus supérieurs, très doués, qui sont aussi à l’aise et experts dans la piste que le pays. C’est un peu l’oiseau rare, et croyez-nous, si dans une manade on a la chance d’en dénicher un, il est choyé et chouchouté, aussi bien si ce n’est plus que la vedette de l’élevage.