10/ Endiguement du Rhône et de la mer :

Qui veut la fin veut les moyens. C’est un vieil adage qu’on doit avoir présent à l’esprit, dans cette circonstance, plus que jamais, la propriété et l’agriculture sont ruinés, ici, plus encore que partout ailleurs. Dans les conditions où elles se trouvent, en ce moment, il est impossible quelles fassent rien d’elles-mêmes. Ces conditions doivent être changées, par conséquent, s’il se peut. Pour cela, il faut d’abord que l’impulsion viennent d’en haut ; en second lieu, que la rémunération des travaux qu’on propose de faire très prochainement, incontestable, évidente pour les moins clairvoyants.
Or, l’endiguement du Rhône et de la mer, un système de vidange habilement combiné par les hommes de l’art pour écouler tous les terrains dont le niveau est assez élevés, des machines d’épuisement pour vider tous ceux qui ne peuvent s’écouler, voilà des idées simples, à la portée de toutes les intelligences, mais dont l’exécution pourrait effrayer l’imagination si nous avions à produire les calculs positifs des ingénieurs qui en déterminent le chiffre précis, peu effrayant, pourvu que le gouvernement , comme nous n’en doutons pas, y contribue pour la moitié.
En effet, comme nous l’avons dit plus haut, on ne peut porter l’ensemble des travaux guère au-delà de trois millions, dont la moitié, quinze cent mille francs, à raison de 4%, taux de l’intérêt auquel, certainement on emprunterait, constituerait l’association générale de la Camargue en une dépense de soixante milles francs par an ; lesquels, ajoutés à quarante mille Francs de frais d’entretien et d’administration, feraient, en somme ronde cent milles Francs.
Ce chiffre ne dépasse pas de beaucoup celui que dépenses annuellement, dans l’état actuel des choses, les diverses associations et les particuliers pour l’entretiens des digues du Rhône, des lévadons contre la mer et des vidanges. Quelle différence, cependant, dans les résultats !
Nos vastes marais, nos pâturages palustres, nos sansouires basses improductives, nos lagunes même, seraient à sec tout l’hiver, donnerait par conséquent, presque aussitôt après l’opération, d’immenses parcours pour le gros et le menu bétail et dans peu d’années deviendraient d’excellents fonds.
Les grands réservoirs d’eau salée qui par le siphonage et l’assention, rendent stériles la majeure partie de nos pâturages et même de nos terres à blé, disparaissant, tous les genres d’améliorations qu’on voudrait introduire sur ces terrains deviendraient faciles.
Certains que leurs bas-fonds ne seraient jamais submergés, les propriétaires le mettraient en valeur avec d’autant plus d’empressement que, leur niveau permettant de les arroser avec les plus basses eaux du fleuve, leur amélioration serait prompte, facile, peu coûteuse, lors même que les moyens actuels d’irrigation ne seraient pas changés.
L’augmentation des charges communes, si tant est qu’il y a eut augmentation, ne serait onéreuse à personne ; car, tous seraient appelés à y contribuer, tandis qu’en ce moment, ces charges ne pèsent gravement, en réalité, que sur la moindre partie de l’ile, l’autre ne paie rien, mais n’a pas ou presque pas de revenu. Elle n’hésiterait pas ç contribuer à des charges qui ne s’élèveraient jamais au quart de l’accroissement de production qu’elles lui vaudraient.
Pour simplifier la répartition et la perception de ces charges syndicales, je proposerais d’imposer chacun, tout simplement, au marc le franc des contributions qu’il paie aujourd’hui, d’après le cadastre.
Mais comme, bien évidemment, les améliorations profiteraient plus ou moins à chacun, suivant la nature, de son sol et sa position topographique ; comme les moins imposés, aujourd’hui, seraient, probablement, ceux qui profiteraient le plus, il faudrait qu’un nouveau cadastre fût fait, cinq ans après que les travaux auraient été terminés, pour servir de base à la répartition à venir et que ce cadastre fût renouvelé, tous les dix ans.de cette manière, chacun arriverait, progressivement, à contribuer dans la proportion de ses revenus, de ses bénéfices. D’immenses résultats auraient été obtenus, sans ajouter aux charges actuelles, en les diminuant, au contraire, sans ressources, sans discussions irritantes. Pour faciliter la rentrée des cotisations et pour donner toutes garanties aux bailleurs de fonds à qui aurait été emprunté le capital nécessaire, on devrait percevoir les cotisations comme des contributions ordinaires, en vertu d’un article inséré dans le décret constitutif du syndicat sur la demande des intéressés.
J’ai dit que le gouvernement rentrerait largement dans les avances qu’il aurait faites pour ces opérations qui sont d’ailleurs d’intérêt public, c’est évident, puisqu’il profiterait de l’accroissement de valeur de la matière imposable constatée par les cadastres successifs dont je viens de parler. L’impôt qu’il percevrait, en sus, couvrirait, trois ou quatre fois, dès le premier cadastre, l’intérêt des avances qu’il aurait faites. Peut-il en dire autant de celles qu’il fait aux entreprises de chemins de fer ?