4/ L’endiguement
Dans l’énumération que je viens de faire des travaux auxquels le gouvernement est appelé à contribuer pour une large part, il s’en trouve un ( l’endiguement du Rhône) qui, pour les propriétaires, est improductif et purement préservateur d’éventualités plus ou moins redoutables, si on à tous, du moins à beaucoup d’eux, tandis que les autres travaux ( l’endiguement de la mer, les canaux d’écoulage et les machines d’épuisement pour réaliser et compéter le dessèchement) produiront immédiatement un accroissement de valeur et de revenu sur toutes les propriétés de la Camargue, comme on le verra plus tard.
On peut évaluer l’ensemble de ces divers travaux à trois millions. Il me paraitrait juste que le gouvernement contribuât, au moins pour la moitié, à cette dépense. Resterait quinze cent mille francs à demander à la propriété, guère au-delà de ce qu’on évalue le perfectionnement des chaussées du Rhône, tout seul. Je dirai, plus tard, comment les propriétaires pourraient subvenir à cette dépense sans en éprouver la moindre gêne, et comment le gouvernement rentrerait largement dans ses déboursés, au bout de peu d’années.

5/ L’irrigation :
Pour ceux qui pensent que l’état n’est pas tenu de concourir aux irrigations si ce n’est à titre d’encouragement des progrès agricoles, le système proposé, pour arroser la Camargue, par les ingénieurs, a cet immense avantage, sur les projets qui l’ont précédé, qu’il peut être exécuté partiellement, à mesure que des associations, confiantes dans leur efficacité, se formerons a cette fin.
Ce qui importe, avant tout, c’est d’opérer le dessèchement complet de cette ile par les endiguements, les canaux de vidange et les machines d’épuisement dont nous venons de parler.
Dès que le dessèchement sera fait, chacun cherchera les meilleurs moyens de tirer parti des propriétés nouvellement exploitables qu’il aura acquises, et, bientôt, l’insuffisance des roubines se faisaient sentir à tous, il se formera des associations, pour l’arrosage, dans les conditions les plus favorables et les plus économiques. On trouvera ces conditions, on les comprendra beaucoup mieux, lorsque le sol sera débarrassé de toute eau nuisible. Alors, l’administration pour activer les progrès de l’agriculture par irrigation, pourra venir en aide aux colons, selon quelle le jugera convenable, avec pleine connaissance de cause.
Peut-être aussi, à cette époque, la nation, de plus en plus familiarisée avec les grands travaux d’utilité publique, comprendra-t-elle la possibilité et croira-t-elle convenable de faire, pour le delta du Rhône, ce que le pacha d’Egypte fait pour celui du Nil, comme je le proposais en 1847. Je demande la permission de consacrer quelques courts paragraphes à l’exposé de mon projet de cette époque. Le moment me par ait venu de le reproduire.

6/ La navigation :
Je faisais partie alors d’une commission d’enquête instituée, dans le Gard, pour donner son avis sur deux systèmes proposés par Monsieur Surrel, dans le but d’améliorer la navigation du bas Rhône. Je voyais des inconvénients à l’une comme à l’autre, et leur résultat définitif ne me paraissait pas complètement satisfaisant.
L’un, le prolongement des digues du Rhône dans la mer, outre l’inconvénient que j’ai signalé plus haut, en admettant même qu’il eut complètement réussi, ne produisait, selon moi, qu’une amélioration temporaire ; car il me semblait évident qu’à l’extrémité des nouvelles digues, de nouveaux atterrissements, non moins contrariants pour la navigation que ceux d’aujourd’hui, se formeraient bientôt et nécessiteraient, par conséquent, au bout de peu d’années, un nouveau prolongement.
L’autre, un canal de grande navigation partant de la tour St Louis, pour se diriger sur l’Anse-du-Repos, ne me paraissait pas non plus irréprochable. Là, le Rhône a des vagues comme la mer ; le sol est nu, sans abri. La violence des vents aurait contrarié souvent l’entrée des bâtiments dans l’écluse de ce canal et l’aurait rendue, quelque fois, impossible.
D’ailleurs, il me semblait que le port d’Arles était appelé, par sa position, à, de plus hautes destinées que celles qu’il pouvait espérer de l’adoption de l’un ou l’autre système et même de tous les deux ensemble, comme on le demandé alors, pour satisfaire tout le monde.
Certes, ce serait, j’en conviens une grande amélioration obtenue que l’entrée facile, en tout temps, dans le Rhône. Mais, s’il était possible de donner à ce fleuve assez de profondeur pour que les navires d’un fort tonnage pussent y naviguer, jusqu’à Arles, ce serait bien autrement important.
Ce problème me paraissait complètement résolu par le système que j’exposai devant la commission d’enquête, au sein de laquelle je ne trouvais pas de contradiction, mais seulement l’hésitation naturelle que rencontrent toujours des propriétaires inattendues qui sortent du cadre ordinaire des pratiques administratives.