Devis estimatif des ouvrages à faire pour la construction du canal et de ses accessoires

87/ Ouvrages pour se procurer les eaux 6410 mètres de longueur d’un canal pour conduire les eaux, depuis le Merle jusqu’au bassin de partage, à raison de 6 francs le mètre :
Soit 38460 Francs
Réparation et exhaussement à faire aux chaussées de la partie du canal, depuis Lamanon jusqu’au Merle, 10000 Fr
Ouvrage à faire au Merle pour la division des eaux d’avec les canaux d’arrosages 5500 Francs.
6 ponceaux en dalles pour les chemins qui seront coupés par ce canal à 400 Francs l’un :
Soit 2400 Francs.
14 hectares de terrain à prendre pour l’emplacement de ce canal à 500 Francs l’un, :
Soit 7000 Francs.
Total de la dépense pour conduire les eaux depuis Lamanon jusqu’au bassin de partage 63360 Francs.

88/ Ouvrages à faire pour la construction du canal et de ses dépendances :
1500 mètres de longueur de creusement de canal dans le roc tendre, à 55 Francs l’un :
Soit 82 500 francs.
1500 mètres de longueur de double chaussées en terre pour former le canal au dessus du roc, à 10 Fr l’un
Soit 15 000 Francs.
32500 mètres de longueur de creusement de canal dans la terre franche et mêlée, à 20 Francs l’un :
Soit 650 000 Francs.
40000 mètres de longueur de fossés, tant pour l’écoulement des eaux pluviales, que pour les arrosages, à 2 Fr l’un :
Soit 80 000 Francs.
34 écluses en maçonnerie de pierre de taille, avec les portes brusquées et les ferrements nécessaires, estimés, à cause de la proximité de la pierre, à 55 000 Francs l’un :
Soit 1 870000 Francs.
Sous total 2 697 000 Francs plus :
Les ouvrages à faire au bassin de partages,
Soit 25 000 Francs.
Un aqueduc de 800 mètres de longueurs, pour traverser le Vigueyrat, les roubines et les bas-fonds du marais près d’Arles au nord, et parallèlement à la chaussée au Pont de Crau :
Soit 1 000 000 Francs.
Un aqueduc pour le canal de Craponne :
Soit 12 000 Francs.
Un aqueduc pour le du camp de Raoux :
Soit 6 000 Francs.
Six aqueducs sous le canal pour les fossés d’arrosage, à 2000 francs l’un :
Soit 12 000 Francs.
20 aqueducs pour les fossés d’’écoulements, à 1000 francs, l’un :
Soit 20 000 Francs.
36 ponts que pour les chemins que le canal coupera de 6 à 8 mètres de largeur d’une tête à l’autre, à 10000 Francs l’un :
Soit 360 000 Francs.
400 mètres de longueur de double digue ou jettées en pierre, pour former un chenal ou port à l’embouchure du canal à la mer, à 200 Francs l’un :
Soit 80 000 Francs.
Ouvrages à faire à l’embouchure du canal sur le Rhône, estimés
Soit 20 000 Francs.
Pour les bâtiments nécessaires au logement des éclusiers et autres employés ;
Soit 120 000 Francs.
Pour deux grues ou machines à démâter les bateaux ; à 400 francs l’une
Soit 8 000 Francs.
16 000 plançons de meuriers pour planter les terres plains, à 2 Francs l’un :
Soit 32 000 Francs.
Total des dépenses à faire pour la construction du canal :
4 392 500 Francs.

89/ Terrains à prendre pour l’emplacement du canal et de ses accessoires :
68 hectares dans les terrains cultivés d’arles et de Miramas, à 3000 Francs l’un, compris toutes les indemnités :
Soit 204 000 Francs.
164 hectares dans la Crau et les patis de Miramas, à 400 Fr l’un :
Soit 65 600 Francs.
Total des dépenses pour les terrains : 269 600 Francs.

90/ Récapitulation générale
Pour les eaux :……………………...63 360 Francs.
Pour la construction du canal : 4 392 500 Francs.
Pour les terrains :………………..…269 600 Francs.
Pour les opérations ultérieures, cas imprévus et augmentation d’ouvrage, évalués au 5% de l’estimation :……………..236 540 Francs.
TOTAL GENERAL : 4 962 000 Francs.
L’estimation générale de la dépense à faire pour la construction du canal et ses accessoires, s’élève à la somme totale de quatre millions neuf cent soixante deux mille francs.

91/ Nous avons apporté dans cette estimation l’attention la plus scrupuleuse, afin de ne pas être soupçonné, comme le sont les faiseurs de projets, de diminuer la dépense de plus de la moitié, et de tripler le revenu, dans l’intention de faire adopter leurs idées à des bailleurs de fonds. Nous avons en conséquence, estimé tous les ouvrages avec la plus grande précision, en suivant les plus haut prix de 1784, comme nous les avions fixés pour tous les ouvrages que nous avons dirigés dans cette contrée.

Produit dont ce canal serait susceptible de rapporter

92/ Lorsque la ville d’Arles voulut s’opposer à l’exécution du canal que l’on projetait de Tarascon au Port de Bouc en 1749, elle assurera qu’il avait passé par le Rhône dans les deux années antérieures, plus de trois millions de quintaux, ce qui faisait par année quinze cent mille quintaux, mais d’après les renseignements que nous nous sommes procuré, il parait que cette estimation est exagérée, et que l’on transporte d’Arles à Marseille ou de Marseille à Arles, année commune, et sur deux cent mille minots (m) de sel, ce qui fait un total de onze cent mille quintaux, environ 5 500 000 myriagrammes. (n)

93/ En établissant un prix uniforme sur tous les objets et marchandises qui passeraient par le canal, et en le fixant seulement a un décime (o) par myriagramme pour tout le trajet sur le canal, on aurait pour les 5 500 000 myriagrammes un produit de 550 000 francs, à laquelle somme on peut ajouter ce que payeraient les voyageurs, les bâtiments vides, le revenu des plantations de Meuriers et la culture des terres pleins, toutes ces recettes réunies pourraient s’élever à plus de 600 000 francs par ans ce qui n’est pas négligeable.
On peut également retiré un grand produit des eaux, dans le temps ou elles ne sont pas utile aux besoins du canal, en les faisant servir à mouvoir les engins, comme moulin à blé, à Foulon, et à des scies, que l’on pourrait établir près de toutes les chutes des écluses, et encore à l’irrigation des terres de la Crau ; car les agriculteurs conviennent que la terre végétale de la Crau est très productive, sur tout lorsqu’elle est arrosée par les eaux de la Durance, l’expérience des parties qui le sont par le canal de Craponne, en offre la preuve la plus complète ; par ce moyen on acquerrait à l’agriculture un terrain immense.

94/ Nous ne faisons pas une pompeuse ostentation de son produit, parce que nous pensons qu’une entreprise de la nature de celle ci, dont l’objet est l’utilité publique, doit être faite par le public ; il faut que l’état, qui doit en profiter, en face toutes les avances ; il en sera amplement dédommagé par l’avance qui résultera pour le commerce et pour tous les besoins de la marine.

95/ La prospérité de la république, l’intérêt général du commerce, l’intérêt général des villes de Marseille, Arles, Port de Bouc, Martigues, et surement du développement ou la création de nouvelles villes, nous ont paru exiger impérieusement le changement de l’embouchure de Rhône dans la mer par une nouvelle direction de ce fleuve du coté sud est, de la Crau, et la construction d’un canal de navigation dont nous venons de donner les projets.

96/ Cette navigation devient encore plus importante depuis que l’on s’occupe de la jonction du Rhône et du Rhin, et du Rhône à la Seine ; on ouvrira par là, des nouvelles routes au commerce de la Méditerranée avec l’intérieur de la France, de l’Allemagne et de la Hollande, et si un jour la jonction du Rhin avec le Danube avait lieu un jour, les communications par le moyen au Rhône auraient une étendue de plus de 250 myriamètres (500 lieues). Elle serait en effet le grand canal du commerce de toute l’Europe ; elle seraient les plus utiles et les plus célèbres que le génie des hommes ait encore conçu, puisque le canal de la Chine, que l’on vante tant, n’a, au rapport des voyageurs, que 300 lieues dans toute sa longueur.

97/ Voilà ce projet tel que nous l’avons conçu, nous en présentons la faible esquisse au gouvernement et à nos concitoyens ; il est le fruit de nos méditations, de nos veilles et de notre expérience, il demande à être perfectionné dans beaucoup de parties et dans ses détails ; mais ce travail est très long, et ne peut se faire sans de grandes dépenses, il nous suffit de l’avoir bien ébauché et d’en avoir fait connaitre les résultats et les avantages. Puisse se tribut de notre zèle pour le bien public lui être agréable, et remplir les vues d’utilité générale que nous en espérons.

Fait à Marseille, le10 ventôse, an 4, de la République Française une et indivisible.