"Dans le ciel de velours violet, les étoiles brillaient innombrables. Elles scintillaient durement, claires et froides, cristallisées par le gel de la nuit ", et illuminaient l’humble crèche où, entre le bœuf et l’âne, reposait l’Enfant Dieu des Bergers.

Beauté majestueuse et sereine de l’image biblique !

Mais que nous reste-t-il aujourd’hui ?
Notre société qui achète, consomme et jette, a bousculé la divine ordonnance pour produire de nouvelles images de fête. Caddies débordants qui cahotent sur les parkings de grandes surfaces, pères Noëls en houppelande râpée et bottes de caoutchouc arpentant les trottoirs de nos villes, sapins plastifiés et sans odeur (ils ne perdent pas leur aiguilles : c’est plus propre !) se sont substitués aux représentations traditionnelles de Noël.

Malheureusement vidée de son sens, la fête devient dérisoire et ne sait engendrer que solitude et désespérance.
Alors comment retrouver le message de fraternité et de partage, si ce n’est par l’évocation de ces Noëls d’antan vécus dans nos oliveraies pâles, au cœur de ces collines mères, rocailleuses et craquantes de givre, au sein d’une Provence infiniment riche de ses traditions ancestrales.

Provence, terre profonde qui porte le sceau de tant de civilisations brillantes, terre d’accueil résolument fière d’avoir conservé et transmis, terre à jamais généreuse, qui a su allier magnifiquement le sacré au profane dans des rituels faits de solennité et de grandeur.

" Sancta simplicita " : simplicité trop simple et trop singulière de cette fête calendale au cours de laquelle chaque geste, chaque parole porte le témoignage des symboles qui associent étroitement l’héritage païen et la tradition chrétienne.

Afin de prendre la mesure de ces temps de fête, nous devons les replacer dans le calendrier antique, témoin des préoccupations d’un peuple agraire et primitif.
Les fêtes païennes qui se déroulaient aux solstices d’hiver et d’été déterminaient la partition de l’année agricole. La christianisation de ces rites se fit autour des " Saint Jean " car ainsi que le précise le proverbe : " Jan e Jan parton l’an " (Jean et Jean partagent l’année).

Il s’agit ici de la Saint-Jean d’été, Saint-Jean qui bat (24 juin) et de la Saint-Jean d’hiver, Saint-Jean qui chauffe (27 décembre).
Dans la Rome Antique, les Saturnales (17 au 23 décembre) célébraient le passage d’une saison à l’autre et la renaissance du Soleil Invaincu.

La Fête Calendale se situe au cœur d’un cycle privilégie, cycle des douze jours (24 décembre - 6 janvier) et marque l’aboutissement d’une longue période, commencée début novembre, qui est destinée à maintenir le lien avec les disparus et à nouer des communications particulières avec l’au-delà.

Interdits, croyances et rites symboliques nous rappellent cette vocation première de la fête.
Ainsi trois bougies.doivent éclairer la table du Gras Souper : si la première brûle pour les présents, la deuxième pour les générations à naître, la dernière se consume pour ceux qui nous ont quittés.

Ce souci d’associer les disparus aux festivités, nous le retrouvons dans l’interdiction de débarrasser la table avant le départ pour la Messe de Minuit.
Les morts pourront ainsi participer au festin en l’absence de la famille.

Mais on prendra soin de relever les coins de la nappe afin qu’un esprit mauvais ne puisse s’y agripper et troubler l’ordre de la maison !
De la même façon, il est de coutume à Châteaurenard de déposer les miettes de la nappe de fête sur le rebord d’une fenêtre : ne dit-on pas que les petits oiseaux du ciel les apportent aux âmes qui errent en purgatoire ?

La fête païenne du " Sol Inviches " s’identifiait à celle du renouveau de la terre et de la résurrection de la végétation.
La fête calendale a conservé ces gestes de l’homme primitif soucieux d’associer les forces végétatives de la nature aux présages de prospérité.

Ainsi, si nous en croyons le proverbe, 1985 sera une bien belle année :
" Quand Nadaù toumbo un dilun tout es perdu.
Quand Nadaù es un dimars, pan e vin de touto part
".

Toutefois, pour plus de sûreté quant à l’abondance dont vous jouirez cette année, je ne saurais trop vous recommander d’apporter tous vos soins aux plantations de Sainte-Barbe.

C’est le 4 décembre que vous planterez dans trois " sietoun " de terre, des graines à germination rapide (blé, orge, pois chiches ou lentilles).
Cette verdure ornera la table de fête et vous portera bonheur :
" Quand lou blad vèn bèn, tout bèn vèn ".

Par la suite, vous pourrez, ainsi qu’il est coutume à Châteaurenard, aller en procession, au temps des Rogations, transplanter cette verdure aux quatre coins d’un champ préalablement ensemencé. Assurément vos moissons seront belles et de surcroît, vous voilà garantis de la foudre :

" Santo Barbo Sainte Barbe
Santo Flour Sainte Fleur
La Crous de Noste Segnour La Croix de Notre Seigneur
Quand lou tron petara Quand l’orage tonnera
Santo Barbo m’assoustara ". Sainte Barbe m’aidera

Il faut rappeler ici que Sainte Barbe, convertie au christianisme avait été emprisonnée puis décapitée sur ordre de son père. Le châtiment divin ne s’était pas fait attendre et le feu du ciel avait foudroyé le père indigne, tandis que l’innocente victime devenait la patronne des artificiers, mineurs, pompiers, etc....