{D'abord vint... le raseteur}

Même en dehors du monde de la bouvine, chacun sait ce qu’est un raseteur.
Pourtant si l’on demande aux afeciounas de définir ce mot, les réponses divergent. Essayons d’en faire une synthèse. Au début du siècle, notamment dans le Trésor du Félibrige, on le définit comme le "toréador provençal", celui qui dans les arènes ou les plans de villages, se mesure au taureau dans le jeu du raset.

Pas grand chose à changer aujourd’hui. La course libre est devenue la course camarguaise et elle est précisément codifiée.

Quand j’étais encore un gamin, que je faisais mes premiers rasets, j’ai lu une interview de Jacky Siméon. II expliquait qu’un raset devait toujours être un beau geste, noble, spectaculaire, mais qui ne prenait son sens que si on réussissait à s’emparer d’un attribut. Je me suis reconnu dans cette définition. je m’efforce depuis de "lever" en étant loyal dans mon raset". T. Félix.

Photo à Mouriès avec Vulcain de B. Lagarde

Pour être en piste, il faut posséder une licence délivrée par la fédération. C’est le cas aussi des tourneurs (tous anciens raseteurs) qui doivent placer le taureau en attirant son attention. Leur nombre en piste est limité. Chacun officie pour un ou deux raseteurs. Ils portent la même tenue qu’eux mais n’ont pas de crochet. Pour les raseteurs, le nombre est limité en fonction de la piste (Arles, Nîmes, Lunel, Châteaurenard, Beaucaire sont classées grandes pistes) et de la catégorie de la course (Protection, Avenir ou As, taureaux jeunes).

Ce qu’on appelait un jeu au début du siècle s’apparente davantage à un sport maintenant.

Raseteur, c’est maintenant un statut officialisé par une licence de la Fédération Française de la Course Camarguaise.
Si l’on admet que raseter c’est maîtriser la technique du raset, il ne nous reste plus qu’à à expliquer ce qu’est un raset.
Une technique... le mot convient assez bien. C’est d’abord une course de l’homme qui s’élance vers le taureau pour provoquer sa charge. Il rejoint le taureau. Au moment de cette rencontre, le raseteur cueille (on dit aussi lève) cocarde, gland ou ficelle. Ils courent ensuite dans la même direction et l’homme échappe au taureau en sautant la barrière.

Mais attention, il y a raset et raset. Pour les apprécier, voici quelques éléments. D’abord la position du taureau. Il est plus facile de provoquer sa charge s’il est décollé des planches ( à 2 ou 3 m de la barrière) que s’il est tout contre.
L’action de l’homme s’évalue en fonction du risque consenti. Le départ est plus difficile s’il se fait face au taureau qui va pouvoir anticiper. Il est moins risqué si le raseteur est caché pendant une partie de sa course par le tourneur intercalé entre lui et le taureau.

 De la technique à l'art

Une fois qu’il a atteint la tête, le raseteur doit échapper au taureau. La trajectoire qu’il suit pour gagner la barrière participe aussi à la qualité du raset. S’il poursuit dans le sens de la course du taureau, il devra être plus rapide que lui, il prend des risques. Dans ce cas, le taureau essaie souvent de le suivre au-dessus de la barrière. Pour se donner un peu de sécurité le raseteur peut infléchir sa trajectoire pour obliger le taureau à prendre un virage, à s’enrouler sur lui-même, ce qui lui fait perdre du terrain. Cette action est bien sûr moins méritoire.

Si long à décrire et si rapide à exécuter, le raset qui nous occupe s’avère donc plus qu’un jeu. Il ne se résume à une technique qu’au début de l’apprentissage. Très vite chaque homme lui imprime une personnalité. Chaque raseteur a sa manière qui n’appartient qu’à lui. Une fois passée la maîtrise de la technique, il faut donner une âme à son raset. C’est cette énergie impalpable qui fait les raseteurs, autant que leurs réflexes et leur agilité.
Le talent du raseteur, celui qui pratique l’art du raset, est à la mesure de ce qu’il a à donner. Donner avant de prendre, belle revanche de la réalité sur les mots pour ceux qu’on surnommait autrefois "voleurs de poules".