"Le projet d’assainissement et d’irrigation de la Camargue sera conçu, étudié et exécuté en vue de satisfaire la généralité des intérêts publics et privés.

Il est de la dernière évidence que celles des terres de Camargue qui sont situées à une altitude suffisante, deux à trois mètres par exemple au dessus du plan d’eau des vidanges, et qui disposent en outre d’irrigation assurées, sont susceptibles de plus hauts rendements.

Malheureusement, sur une superficie de 60 000 hectares environ, 7.000 hectares à peine remplissant les conditions ci-dessous sont aujourd’hui irrigués, et une quantité tout au plus égale serait susceptible de l’être.
En l’état des plants d’eau d’évacuation, étant donné surtout l’instabilité de leur niveau, il est impossible de songer à mettre en cultures irriguées une surface plus considérable.
Or, avec la remontée du sel qui menace et atteint successivement tout le territoire, il est indispensable d’ organiser les irrigations, tout au moins par assolement, sur toute les surfaces que l’on désire soustraire définitivement à l’action du sel.*

Dans cet ordre d’idée, un seul moyen se présente à l’esprit en vue d’arriver à la transformation du territoire , l’abaissement du plan d’eau des vidanges combiné à un système d’adduction des eaux douces du Rhône.

Pour le réaliser, deux ordres de travaux s’imposent, la construction d’un réseau de canaux de dessèchement, dont les plafonds seront à une cote importante au-dessous du niveau de la mer et du plafond du Valcarès, la construction d’un réseau de canaux d’irrigation, dont les plafonds seront à une cote sensiblement plus élevée que celle de la généralité des terres qu’il s’agit d’irriguer.

Comme on peut le voir, le programme ressemble à ceux de tous les projets de Camargue, il est double, et comprend le dessèchement et l’irrigation artificielle.

Le programme continue, en ce qui concerne le dessèchement :

“(a) Le réseau des canaux de dessèchement et les machines d’exhaustion seront susceptibles de recevoir et de rejeter à la mer des écoulages de l’ile entière, en maintenant le niveau des eaux, à l’extrémité inférieure du grand collecteur à 2,50 m au-dessous de la mer moyenne.

“(b) Les canaux de dessèchement à établir sur les terrains acquis en vertu de la loi du 16 septembre 1807 ou achetée tractativement, seraient creusé par la société concessionnaire et à ses frais.
Ils seraient de droit anastomosés aux écoulages existants déjà, ou qui pourraient être ultérieurement construit sur les domaines des tiers et par leurs soins.

“(c) L’entretien des canaux de vidanges et ouvrages d’art construits par la société concessionnaire , les frais d’entretiens et d’exploitation des appareils d’exhaustion seront à tout jamais à la charge de la société, quel que soit les volumes d’eau que ces canaux et machines aient à recevoir des tiers agissant en bons pères de familles.

En ce qui concerne l’irrigation, le programme prévoit :
La construction, à la volonté des pouvoirs publics
“ (a) Soit d’un réseau de canaux à chapes imperméables, et de machines élévatoires susceptibles de fournir l’eau, nécessaire aux besoins de l’ile entière, étant spécifié que les propriétaires ou syndicats pourraient dériver les canaux principaux de la société, et à tel niveau que ces canaux les amèneraient, tels voulues d’eau qui conviendraient aux intéressés, à charge par eux de payer la redevance fixée par l’acte de concession, l’état s’engagerait par contre à ne donner aucune concession à d’autres qu’à des particuliers ou à des syndicats de propriétaires, dans l’ile, non subventionnés.”
“(b) Soit d’une réseau de canaux susceptibles d’arroser exclusivement le domaine de la société comme elle l’entendrait”

De ce qui précède, il résulte que la société concessionnaire se propose :
“(1) D’acquérir tractativement , ou en vertu de la loi de 1807, une certaine quantité d’hectares de terrains en Camargue, en faisant choix , bien entendu, dans la plus large part possible, des terres basses et presque sans valeur aujourd’hui.”
“(2) D’améliorer ces terres basses à ses frais , en abaissant artificiellement le niveau des écoulages, de telle sorte que les plans d’eau d’évacuation soient constamment maintenus à 1,25m environ au-dessous du plafond du Valcarès, ce qui procurerait à la Camargue l’avantage d’être dénoyée en tous temps, alors même que sa superficie entière serait livrée à l’irrigation.
Et comme le dit encore le programme ” toute économie du projet de la société pivote sur la plus -value, mode le plus simple, le plus équitable , le moins sujet à discussion qui puisse se présenter à l’esprit, ces terres constituant à la société un domaine qui n’aurait de valeur sensible que par les améliorations qu’y apporteraient le dessèchement et l’irrigation opérés par elle et à ses frais.
“ les terres hautes et les terres basses, qui resteraient aux tiers , bénéficieraient de l’argent reçu par eux pour les cessions qu’ils auraient faites de l’abaissement des plans d’eau d’évacuation, enfin de la mise à leur disposition, sans obligation d’en user , des eaux d’irrigation, étant bien entendu que l’obligation contractée par la société de recevoir les eaux à colature des tiers en comporte de redevance d’aucune sorte de leur part.”

En résumé :

1/ la société ne constituerait un domaine à l’aide des terres basses acquises tractativement, ou à elles départies en vertu de la loi de 1807, prise telle qu’elle ou amandée.
2/ Elle améliorerait à ses frais le domaine ainsi constitué.
3/ Son bénéfice, puisqu’il faut bien une rémunération aux capitaux engagés dans l’entreprise, serait, d’une part, la plus-value que pourrait atteindre le domaine de la société, d’autre part, les redevances perçues pour les arrosages qu’elle pourrait servir.

Ce programme qui ne comprend aucune partie technique, prête déjà suffisamment à la critique, et nous allons en examiner les termes un à un.

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