Pour atteindre ce but, il convient de s’inspirer d’un idéal que l’on appelle ici la tradition ; d’éliminer impitoyablement par ventes, castration, abatage, les animaux ne donnant pas satisfaction et cela même au préjudice du nombre, il est bien évident que ce qui ne satisfait pas un éleveur peut très bien en satisfaire d’autres.

De ne pas craindre de perdre le bénéfice d’un certain nombre de courses par insuffisance de bétail pour n’en donner que quelques unes, mais de plus grande qualité. A moins d’être très riche, cela suppose une belle dose de patience, un ardent amour du métier, en même temps qu’une belle foi, car c’est s’astreindre à un sérieux manque à gagner, sur un placement de capitaux ainsi improductifs plusieurs années durant. En un mot c’est sacrifier l’immédiat au futur, la réalité a l’espoir, le profit à la gloire.

N’est pas grand manadier qui veut !

Tout cela constitue la sélection, opération très importante, pilier de tout l’édifice, base de la science de l’élevage.
Le taureau est apte à la procréation entre 16 et 18 mois, parfois avant chez certains sujets précoces. La portée de la vedélière est de 9 mois. Selon que l’on veut travailler à une sélection plus ou moins rigoureuse, il ne faudra pas hésiter a bistourner, c’est à dire a châtrer les mâles à un an et demi ou deux ans, si on ne désire pas les voir reproduire un type non approuvé par l’éleveur.

En général la castration ou bistournage, acte essentiel et primordial d’où dépend le sang d’une manade, se pratique vers octobre ou novembre, et vers l’âge de 3 à 8 ans. C’est une opération très dangereuse pour l’homme qui doit maîtriser le taureau, ce travail n’est effectué qu’avec des hommes d’expérience.

C’est en principe le bayle-gardian qui est chargé de la castration, toutefois, beaucoup de manadiers, en raison de l’intérêt qui s’attache au bistournage pour la création de leur race de taureaux, n’hésitent pas a faire appel a un vétérinaire, chose que l’on ne voit plus de nos jours. Maurice Vedel le vétérinaire manadier s’était acquis une belle notoriété dans cette spécialité.
La castration se fait a l’aide de la pince de Burdizo, ou avec l’émasculateur, ces ustensiles sont les moins traumatisants pour l’animal.

Choisir avec soin les mâles procréateurs dont on veut garder les produits est le premier devoir d’un manadier consciencieux, mais le traditionaliste s’attachera surtout, parmi d’autres qualités physiques, à l’embroche ou « embanage » qui est la forme et l’implantation des cornes et de la robe, que le vrai camargue doit avoir noire de façon uniforme. Il arrive que des taureaux aient la robe fauve roussâtre ou « saureto », mais à la mue, c’est-à-dire à la tombée du poil, le noir uniforme reparaît parce qu’il est justement une caractéristique atavique de la race.

De temps en temps, sur les manades même les plus surveillées, naît un taureau ou une vache à la robe rouge, on dit « boucabèu », d’un père et d’une mère absolument noirs.
Mystère de l’hérédité, qui reproduit à des années d’intervalle, après de nombreuses générations, un trait dominant venant de très loin. Lorsqu’un tel fait se produit, le manadier consciencieux l’enregistre et s’il s’agit de vaches, il peut, à la rigueur les conserver, si elles donnent satisfaction par ailleurs du point de vue du caractère, mais en général, il ne conservera pas un mâle pourvu de cette robe comme étalon, sous peine de voir le même accident physique reparaitre dans les produits immédiats ou futurs issus de sa descendance.