Les sens.

  • a) - la vue :

Les sens gouvernent presque tous les animaux, et les ruminants en particulier, parce que ceux-ci sont des animaux herbivores à type grégaire et défensif.

C’est par les sens qu’ils sont en rapport avec le monde extérieur, qu’ils apprécient leur environnement, jugent des dangers qui les menacent, de la quiétude dont ils peuvent jouir.

Ces sens, sont sous la dépendance d’organes différenciés, qui perçoivent les excitations extérieures, les transportent aux centres nerveux et conditionnent en définitive les réactions motrices que nous apprécions. Si nous ne pouvons pas toujours juger de l’essence de celles-ci, du moins la connaissance des organes des sens nous permet-elle de mesurer les valeurs des facultés sensorielles.

Deux de ces organes des sens sont particulièrement importants pour apprécier les réactions vitales du taureau :

C’est l’œil tout d’abord, organe de la vue. Le globe oculaire du taureau est petit. Son volume est en moyenne de 30 à 34 centimètres cubes, moins volumineux que celui du cheval. S’il est tombé en avant , il est aplati fortement en arrière, ce qui enlève beaucoup de netteté à l’image qui, malgré une forte accommodation, se forme sur la rétine.

Sanson dans sa thèse écrit «  les races brachycéphales donnent la plus grande proportion de myopes par la convergence excessive à laquelle elles sont obligées de recourir pour leur vision binoculaire »

Bressou a montré, par exemple, que le champ visuel monoculaire du taureau avait une valeur de 205 degrés pour chaque œil, plus étendu en avant qu’en arrière et que la valeur du champ binoculaire permettait à l’animal de voir des deux yeux à partir du bout de son chanfrein ; le fameux triangle aveugle que certains auteurs ont voulu fixer à 3 mètres de distance n’existerait pas.

Il paraît bien difficile, hors d’un anthropomorphisme risqué, d’affirmer que le taureau est myope, car nous ne savons pas exactement comment « il voit ».

Il semble plus certain, comme l’étude des images transclérales le montre, que son accommodation est franchement mauvaise, qu’il voit flou, surtout lorsqu’il est fatigué et que son énervement augmente. «  la perception est en effet confuse car les rayons lumineux émis par le torero et la cape en mouvement, lorsque ceux-ci sont à l’infini, forment des images floues se chevauchant sur la rétine » thèse de Laffitte.

Le taureau manque aussi d’acuité visuelle, il n’a pas la vue perçante, il distingue mal les contours et perçoit mieux les mouvements que les formes. Ceci explique que le raseteur attirera plus facilement l’attention de l’animal par de grands gestes plutôt que par sa seule présence. L’étendue du champ monoculaire latéral justifie le départ du raset sur le côté de la bête.

  • b) - l’ouïe

Celle-ci est bien meilleure que sa vue. Le fait de voir l’homme l’interpeller au cour d’un raset et de voir celui-ci réagir, confirme ce que dit Laffitte ; « Si le taureau est plus facile à fixer par la vue que par le son, en revanche, ce dernier est meilleur pour déclencher la réaction motrice ».
La plupart des raseteurs ont leur propre appel personnel, qui ne se souviens pas du sifflet de Téti Moran, ou les « mila-mila » de Falomir ! a l’attaque d’un raset ?

Le taureau n’est pas insensible aux bruits de l’arène, qui l’inquiètent et finissent par l’irriter, ni des bruits de musique. L’atmosphère d’une course crée pour lui une sensation insolite de danger qui n’est pas étrangère à une réaction de combativité.

Il est évident que les « vieux » cocardiers ont comme tout être humain pris l’habitude des ambiances des pistes, et sont bien moins intrigués. Ils conservent parfaitement la particularité des bruits d’une arène, bruits particuliers à chaque piste, la sonorité change suivant la forme de la piste, le monde sur les étagères, de l’environnement. Ils ont la mémoire des bruits. Ils contribuent à la formation de leur psychologie de combattants.

  • c) - la psychologie.

Il y a lieu de considérer cette question sous le double aspect du tempérament personnel de l’animal et des réactions qu’il acquiert ensuite avec l’expérience des courses auxquelles il participe.
Chaque taureau possède naturellement des réflexes personnels et réagit de la même manière dans des circonstances identiques. On observe ainsi que certains taureaux sortent toujours du toril de la même façon, en rapidité, en direction et ensuite se placent au même endroit de la piste, ce qui prouve qu’il se reconnait dans une piste particulière, cette position peu changer suivant la piste.

Ces réflexes propres à la nature de chaque animal, se retrouvent souvent aussi dans la manière d’attaquer car, comme l’homme, il possède une prédominance latérale et répugne à se servir d’un coté de son corps ou d’un membre ; il est droitier ou gaucher, et comme chez l’être humain il y a deux fois plus de droitiers que de gauchers.
Cette carence peut provenir également d’un trouble visuel unilatéral, car il est difficile d’expliquer qu’un taureau semblant en parfait état d’équilibre possède une lésion lui interdisant certains gestes.

  • On constate cependant que certains d’entre eux dédaignent toute attaque des raseteurs venant de leur droite et passant a leur portée, alors qu’ils régissent immédiatement à chaque action venant du coté opposé et vice versa.
  • Contrairement au toro espagnol qui lui ne connait qu’une fois la piste dans sa vie, le cocardier Camargue a vite compris après quelques sorties en piste , ce qu’il doit faire et comment le faire.
  • Cet animal à demi sauvage parvient à s’éduquer ; il acquiert certains réflexes et améliore ses qualités de combattant sans qu’on le lui apprenne, sans être "dressé". Il progresse au fur et a mesure de ses sorties en piste.
  • Il arrive ainsi à très bien calculer la vitesse et l’élan qui lui seront nécessaires pour rejoindre l’homme à la barrière, pour passer la corne ou pousser le raseteur du mourre afin de le propulser au delà de la barrière.

A remarquer aussi le comportement d’un taureau ayant eu une anomalie dans la symétrie de ses cornes, ou ayant subi un traumatisme, il ne se comporte pas comme la majorité de ses congénères.

  • Gandar de Blatière par exemple qui a subi la casse d’une corne, coupée au ras de son frontal, lors d’un accident, donc un traumatisme immédiat. Voici ce qu’écrivait Pierre Vignon à la suite de sa première sortie après son accident.
    "Il alla plusieurs fois à la barrière et essaya en vain de donner un coup de sa corne droite qui lui manquait."
  • Après plusieurs courses, on le vit se servir seulement de sa corne gauche intacte, ce qui ne l’a pas empêché de rester un grand cocardier.
  • d) - la férocité
  • Nous pouvons définir la férocité, en tauromachie, comme le désir violent d’atteindre l’adversaire et de lui causer un dommage. Acte plus marqué pour le toro espagnol, car lui épris de liberté, car pâturant dans d’immenses propriétés, le voila dans un premier temps enfermé dans un enclos, puis dans un camion, donc espace encore plus réduit. Arrivé au toril il est enfermé dans une case encore plus petite , dans le frais, et dans l’obscurité. Donc son entrée en piste c’est pour lui un lieu de fuite, mais il a vite compris que si l’espace a repris dans la grandeur, les limites sont tout de même une prison.
  • Une certaine similitude est faite avec le taureau camargue, jeune, doublen ou ternen, qui découvre la piste pour ses toutes premières fois.
  • Montherland disait :"l’assaut du taureau contre son adversaire n’est qu’une fuite en avant".
  • Une image athypique de la férocité du camargue, c’est VOVO, durant sa carrière, un phénomène de brutalité, il fonçait sans souci d’économie et au mépris de l’instinct de conservation. Il brisait les planches des barrières et sautait après l’homme, chose rare à l’époque de sa carrière, en dévastant tout sur son passage. Il faisait régulièrement le vide, non seulement en piste mais en contre-piste. Il était vif, rapide, puissant, mais animé surtout par une férocité sans égale.Ses courses offraient aux spectateurs de l’exeptionnel en bravoure, mais que restait-il de la course libre ?

Emporté par sa brutalité, il sautait les barrières et souvent y restait, le spectacle y perdait beaucoup.